Jeudi 23 novembre.

MOUNIC Sophie.

 

                                  

 

LA CRISE DE MUNICH / LE POINT DE VUE DE LA FRANCE

 

                                Les bouleversements politiques nés de la crise économique et sociale, notamment la montée des fascismes , remettent en cause dès le début des années trente le fragile  équilibre difficilement réalisé à la fin des années vingt dans le domaine international. En une série de coups de force , Hitler met fin à l’Europe des traités d’après guerre, ces coups de force ne suscitant guère de résistance de la part des gouvernements français. La remilitarisation de la Rhénanie en 1936 ne provoque q’une simple réaction verbale. L’Anschluss se déroule en Mars 1938 alors que la France est privée de gouvernement (démission du gouvernement Chautemps). Là encore, aucune réaction . Les revendications d’Hitler sur les Sudètes (Région de Tchécoslovaquie peuplée d’Allemands) ,aboutissent à la tenue d’une conférence à quatre (Hitler  pour l’                Allemagne,  Mussolini pour l’Italie, Chamberlain pour l’Angleterre et le radical Edouard Daladier, alors Président du conseil) , qui réunie à Munich en septembre 1938 approuve le rattachement  de ce territoire au Reich, cédant ainsi aux exigences du Führer.

 

                        La question semble t’il centrale qui se pose aux dirigeants français confrontés à l’agression  territoriale d’une alliée, la Tchécoslovaquie (depuis la petite entente de 1920), est la suivante  : la France a -t-elle les moyens de mener une politique de force, sinon de fermeté en Europe, et donc face à l’Allemagne. Les dirigeants français, pour l’essentiel le gouvernement Daladier, répondent à cette interrogation par la négative. Aussi convient-il de s‘interroger quant aux critères et motifs qui déterminent cette politique de non-intervention . Ainsi quelle analyse de la situation de la France font ses dirigeants ? En quoi cette analyse, qui est à la fois fonction du passé ( l’omniprésence de la Grande  Guerre et de ses conséquences doit être prise en compte) et du présent (dans le cadre géopolitique et diplomatique, la relation avec la Grande-Bretagne est par exemple essentielle), détermine t-elle la politique de la France à Munich ? En quoi Munich peut-il alors être considéré à la fois comme un aboutissement et une fuite en avant pour la France ?

 

                           Les dirigeants français présentent ainsi comme argument que la France, de par ses nombreuses faiblesses, n’a pas les moyens d’intervenir dans  la crise de manière décisive. Son comportement à Munich s’apparente donc à un aveu d’impuissance qui la conduit à “maîtriser” pour un moment les ambitions agressives d’Hitler en menant une politique défensive consistant à céder sur certaines exigences jugées”justes” formulées par l’Allemagne nazie. Il reste alors à s’interroger sur les raisons de l’attitude française.

 

I. LA FRANCE EST DANS UNE SITUATION DE CRISE MULTIFORME: DE PAR SES FAIBLESSES ELLE N’A PAS LES MOYENS D’UNE POLITIQUE DE FERMETE OU DE FORCE...

 

           ÞLa crise globale que subit la France durant les années trente n’épargne aucun des domaines où s’exerce son activité. C’est ainsi que la situation internationale de la France, le rôle qu’elle entend jouer sur la scène mondiale, les moyens de sa puissance sont victimes du même climat d’incertitude que celui qui affecte l’économie, la vie sociale, politique ou intellectuelle du pays. Pour expliquer l’attitude passive et de recul de la politique internationale française, il faut prendre en compte les multiples  aspects de la crise française. En fait la France se sent fragile économiquement et socialement ; elle se sait un pays moralement divisé ; elle éprouve enfin au plus profond d’elle même la volonté d’éviter à tout prix un retour au cauchemar des combats de la guerre de 1914-1918.

 

1°)LA FRANCE NE VEUT PAS PRENDRE LE RISQUE D’UN NOUVEAU CONFLIT: LE POIDS DU PACIFISME ET DE LA MEMOIRE DE LA GRANDE GUERRE.

 

                  Þ La guerre de 1914-1918 a exercé une influence décisive sur des générations entières, suscitant “un pacifisme  viscéral“  ( Serge Berstein ) sans lequel Munich est incompréhensible .

 

                    Les traces matérielles et le souvenir d’une guerre traumatisante hantent l’esprit des Français et ses conséquences sont impossibles à surmonter.

                    La guerre est toujours présente. Avec 1400000 morts et plus de trois millions de blessés la France est durablement touchée dans sa chair (Alfred  Sauvy “La France est restée dans Verdun” ) .les traces de la guerre obsèdent les Français des années 1919-1939. Les monuments aux morts rappellent le souvenir des disparus , les cérémonies commémoratives , la présence dans la société des mutilés, des veuves, des orphelins, interdisent d’oublier le traumatisme du conflit.

                      D’ou un sentiment de répulsion viscéral  ou raisonné pour la guerre. Il en résulte en effet une profonde volonté pacifiste de l’opinion. Elle imprègne les mentalités des Anciens Combattants et leurs proches, les oeuvres des intellectuels ,l’éducation de la jeunesse . Ne jamais revoir un conflit aussi pénible est le sentiment d’une population qui cherche à s’étourdir pour profiter de la vie retrouvée mais tremble à chaque nouvelle menace pour la paix.

                        Même si le pacifisme a pu prendre plusieurs visages (la “der des der” des Anciens combattants est à la fois un appel au patriotisme éclairé , le refus d’un nationalisme étroit ou cocardier et à la volonté formulée avec véhémence d’interdire le retour à la barbarie guerrière) et fut parfois ambigu (il y eut un pacifisme humaniste mais aussi un pacifisme par solidarité idéologique avec les régimes fascistes), il n’en demeure pas moins la caractéristique fondamentale de l’opinion, ce qui influence les dirigeants.

                         Les dirigeants y sont d’ailleurs d’autant plus sensibles qu’ils ont eux même    une mémoire personnelle de la guerre. Ainsi Daladier, Président  du Conseil depuis avril 1938, est Ancien Combattant et appartient à cette génération du feu. Il connaît l’enfer de Verdun, combat souvent en première ligne ce qui explique sa  sensibilité pacifiste.

                           Donc la France, c’est la “voix “ dominante quasi unanime qui ne veut pas la guerre.

 

 2°) LA FRANCE N’A PAS LES MOYENS DE MENER UNE POLITIQUE DE FERMETE OU DE FORCE : FAIBLESSES ECONOMIQUES, SOCIALES ET MILITAIRES.

     

              Þ L’attitude de non-intervention procède de facteurs spécifiquement français et notamment l’impréparation militaire et les croissantes  interférences entre la politique intérieure et la politique extérieure. Il s’agit de s’interroger quant aux bases sur lesquelles reposait la décision française. On peut dire que les impératifs de la politique intérieure dominaient les choix de politique extérieure. En effet c’est le visage  d’une France non seulement affaiblie par les effets de la guerre, dont la démographie est stagnante , l’économie peu dynamique et les finances incertaines qui motive la non-intervention.

 

                  En 1938, la France n’a pas surmonté la crise des années trente. Malgré une reprise économique fin 1938, la France n’a toujours pas retrouvé son niveau de production de 1930 en raison de l’insuffisance de l’investissement. Fragile, la France l’est économiquement. La production française des années 1936-1938 stagne ou diminue. Des grèves qui touchent les usines de manière quasi permanente entre 1936 et 1938 ont aussi leur responsabilité dans cette stagnation de la production de même que les effets de la loi de 40 heures. Cette conscience aiguë de la faiblesse économique du pays est d’ailleurs accentuée par la surévaluation du potentiel industriel allemand.

                    La fragilité sociale du pays est perçue avec non moins d’acuité. Après les grandes grèves de 1936, la période 1936-1938 est une période d’arrêt de travail chroniques, entretenus par la hausse du coût de la vie et le souvenir du grand moment victorieux de juin 1936 ; tour à tour les divers secteurs de l’économie sont affectés par une série de débrayages. Face à une Allemagne hitlérienne qui met en place des structures autoritaires  d’encadrement de la société ,la France éprouve un sentiments d’infériorité. Est-elle en état d’affronter l’Allemagne à armes égales? Les dirigeants français sont tentés de répondre par la négative . le discrédit du système libéral , critiqué dès le début des années 1930 contribue  également à renforcer ce sentiment d’une fragilité nationale. Même chez les  démocrates convaincus domine paradoxalement l’idée que le système totalitaire allemand est d’une redoutable efficacité face au luxe que constitue le libre débat dans les états d’Europe occidentale.

                      La faiblesse militaire incline à la prudence et en l’occurrence à la passivité . L’impréparation militaire relève au premier chef de la persistance d’une conception purement défensive. Elle est imposée, avec l’accord des pouvoirs publics par le conseil supérieur de la guerre dont le vice-président ( le Président est le Chef de l’état) apparaît comme le principal inspirateur de la stratégie française. De 1920 à 1931, ce poste est occupé par le Maréchal Pétain puis de 1931 à 1935 par le Général Weygand , enfin par le Général Gamelin. Entre ces trois généraux , de formation identique, pour qui l’expérience fondamentale a été celle de la première Guerre mondiale aucune différence notable sur l’essentiel, à savoir le caractère défensif de la stratégie à suivre. Le choix de l’état- major s’explique par une large part par la volonté de ne pas recommencer 1914, “de ménager le sang de la        France”. D’où la construction de la ligne Maginot dont l’idée naît en 1925 et qui est réalisée entre 1930 et 1936 et le peu de crédit accordé aux stratégies défensives (ainsi le plan du Général De Gaulle de création d’un corps de blindés motorisés). On constate donc une extraordinaire sclérose de la pensée militaire française, un des multiples aspects de la crise .

                         Il est cependant juste de reconnaître que le choix d’une stratégie défensive  correspondait totalement aux vœux de l’opinion publique et des hommes politiques responsables qui l’ont appuyé. C’était tenir compte des désirs d’un peuple sorti exsangue de la guerre. La tâche prioritaire pour le pouvoir était donc d’écarter un nouveau conflit. Toutefois il est évident qu’une telle doctrine militaire condamne à  l’inefficacité toute politique de fermeté et de défense de la Tchécoslovaquie. D’autant plus qu’à cette sclérose doctrinale s’ajoutent les difficultés matérielles. Même après l’injonction de crédits à l’époque du Front populaire, on constate que les usines d’armements ne produisent pas au rythme espéré les matériels nécessaire pour faire face à un conflit . C’est vrai dans le domaine des munitions, des chars, et plus encore de l’aviation. Du point de vue des hommes, la démographie française (41,9 M d’hab. ) est une faiblesse comparé à l’Allemagne ( 68 M d’hab.).

 

3°) FRAGILITE POLITIQUE: PREDOMINANCE DES PROBLEMES INTERIEURS.

 

      La situation politique instable fait que la France  se préoccupe plus de politique intérieure qu’extérieure et de fait est amenée  à une certaine passivité dans ce domaine. L’échec du Front Populaire laisse la France affaiblie et divisée, vivant dans la hantise de la guerre. Le deuxième gouvernement Blum est en effet renversé en juin 1937 au profit des radicaux. Le Front populaire agonise jusqu’en 1938.

          Des gouvernements successifs dirigés par des radicaux s’éloignent du programme du Front Populaire et se rapprochent de la droite. Arrivé au pouvoir en avril 1938, Daladier prend des ministres modérés et conduit à la rupture du Front populaire au profit d’une nouvelle majorité d’union nationale en novembre 1938. Ces changements politiques détournent la France d’une politique extérieure qui demeure attentive.

             Fragilité encore que la profonde décision des Français sur le plan moral. les cicatrices laissées par les luttes des années trente, celle de la guerre civile larvée de l’époque du Front Populaire restent profondes. En effet, la gauche accuse ses adversaires d’avoir partie liée avec le fascisme et l’extrême droite, rejette toute union nationale avec la gauche pour faire face à Hitler. Aussi comment mener une politique étrangère claire quand l’opinion se divise entre antifascistes et anticommunistes, chacun craignant de faire le jeu de l’adversaire par une politique extérieure qui favoriserait ses vues ? Si bien que les évènement de politique internationale sont souvent moins analysés pour ce qu’ils signifient quant à l’intérêt du pays qu’en fonction des arguments qu’ils fournissent dans les combats de politique intérieure( ainsi par exemple le danger hitlérien est largement sous-estimé à droite car nombreux sont ceux qui considèrent que lutter contre l’Allemagne nazie c’est faire le jeu de Staline et du Parti Communiste).

 

II... AUSSI EST PRIVILEGIEE UNE POLITIQUE DE NON- INTERVENTION ET DE MAINTIEN DE LA PAIX.

 

                 Þ La prise de conscience par les dirigeants français des faiblesses structurelles de la France les conduit au raisonnement suivant, à savoir celui de la nécessité d’une politique extérieure réaliste adaptée à la puissance et aux possibilités réelles du pays, même au prix très élevé de l’abandon de toute initiative de la part de la France. La conférence de Munich au cours de laquelle la France abandonne son alliée la Tchécoslovaquie rendant ainsi caduque la petite entente (1920) est à cet égard bien un aveu d’impuissance. En effet plutôt qu’honorer cet accord la  France préfère privilégier sa sécurité et la paix, et ce d’autant plus que la politique  “d’appeasement” Britannique restreint la liberté d’action française, qui ne peur mener seule une politique de force. En septembre 1938, l’étude des choix de la diplomatie française met en évidence le déclin de la position internationale du pays. Symbole de la politique de capitulation la conférence de Munich marque le succès de la ligne diplomatique de “l’appeasement” initié par la Grande- Bretagne de Chamberlain et “suivi” sans trop de résistances par la France qui n’est cependant pas dupe de sa fragilité.

1°) PLUTOT SAUVER LA SECURITE NATIONALE ET LA PAIX QUE L HONNEUR : L AVEU D IMPUISSANCE.

                   Þ En politique extérieure, Daladier est apparemment décidé dès son entrée en fonction à ne pas remplir les obligations contractées envers la Tchécoslovaquie au cas où l’Angleterre ne le ferait pas : il ne se fait aucune illusion sur la faiblesse militaire de la France et il redoute un bain de sang comparable à celui de 1914-1918.

 

                 Pourtant , au départ la France semblait prête à honorer ses engagements, du moins en mai 1938, au début de la crise tchécoslovaque. Devant les ambassadeurs allemands, britanniques et soviétiques à Paris, le nouveau président du Conseil, E. Daladier, déclare que si le Reich attaque la Tchécoslovaquie son pays respectera les obligations qu’il a contractées envers lui.

                  Cependant la France va  rapidement mener un double jeu et ce à cause des limites de l’entente britannique. Londres n’interviendrait en effet aux côtés de la France que dans le cas d’une agression non provoquée contre cette dernière, pas si c’est elle qui prend l’initiative d’entrer en guerre pour  honorer ses propres engagements . Ceci revient à accepter à l’avance que soient faites “des concessions suffisantes au Chancelier Hitler “ , autrement dit que soit amputé le territoire de la Tchécoslovaquie .Lorsqu’en juillet 1938, le représentant  de la Tchécoslovaquie à Paris, Osuky rencontre G. Bonnet(Ministre des affaires étrangères, chantre de l’appeasement à la Française), celui-ci indique clairement la voie choisie par la diplomatie française : ”Le gouvernement tchécoslovaque peut -on lire dans une note rédigée par le titulaire du Quai d’Orsay au lendemain de cette conversation, doit connaître nettement notre position, la France ne ferait pas la guerre pour l’affaire des Sudètes . Certes publiquement nous affirmerons note solidarité comme le désire le Gouvernement Tchécoslovaque, mais cette affirmation de solidarité doit permettre au gouvernement tchécoslovaque, d’obtenir une solution pacifique et honorable. En aucun cas le Gouvernement tchécoslovaque ne doit croire que si la guerre éclate nous serons à ses côtés.”

                 De plus ,à la volonté clairement pacifiste  de non-intervention s’ajoute le poids non  négligeable d’une opinion française qui comprend mal les raisons d’un conflit éventuel. Victorieuse en 1919, la France n’a aucune revendication territoriale et se sent, assez égoïstement, peu concernée par le problème tchécoslovaque.

 

2°) LA GOUVERNANTE ANGLAISE” (HITLER).

 

                   Þ Hitler souligne avec cette expression polémique, combien la liberté française en matière de politique étrangère s’exerce dans un espace restreint par les données géopolitiques et militaires du moment qui débouchent sur une nécessité unique : l’alliance anglaise. L’annonce de Daladier devant ses ministres en 1938 est à ce propos éclairante : “pas un Français ne peut accepter de lancer son pays contre l’Allemagne et l’Italie sans être au moins sûr de l’aide immédiate de l’Angleterre”. Les responsables français , devant un tel enjeu, celui de la survie de la nation ont d’une part trop conscience des faiblesses du pays , et d’autre part se souviennent trop qu’en 1914-1918 la France n’a pu vaincre qu’avec l’appui anglo-saxon  pour accepter de prendre le risque de se trouver sans allié. D’où la politique de suivisme et d’alignement sur l’appeasement britannique.

 

                       L’alliance franco-anglaise a constamment fonctionné sur un pied d’inégalité. Face à une France divisée, consciente de ses faiblesses et par là condamnée à une subordination plus ou moins résignée, c’est à l’Angleterre que reviennent la prééminence, les initiatives et le pouvoir de décision . On connaît l’amère boutade de Daladier: “Pourquoi la Grande -Bretagne fait elle les frais d’une ambassade à Paris ? Elle en a une qui ne lui coûte rien : au Quai d’Orsay.” Chaque fois le gouvernement français mis devant le fait accompli a dû suivre son allié dans les options que celui-ci avait prises .

                           La crise rebondit en effet en septembre par la radicalisation des positions allemandes (demande du rattachement des Sudètes à l’Allemagne). Le gouvernement Français est hésitant et ce sont les Britanniques qui prennent l’initiative. Le 15 septembre en effet, Hitler reçoit à Berchtesgaden le premier Ministre anglais et lui fait part de ses exigences. Estimant justifiées les revendications allemandes, Chamberlain en accepte le principe. De retour à Londres, il conseille à Daladier d’accepter à son tour l’annexion des régions de Tchécoslovaquie dans lesquelles les populations germanophones sont majoritaires .

                     Daladier s’efforça sans doute de limiter les dégâts : c’est ainsi que dans un premier temps il fit repousser l’organisation d’un plébiscite et força (18 septembre )les Britanniques à accorder leur garantie aux nouvelles frontières tchèques.  Mais au total , il céda sur l’essentiel lors de la conférence du 30, acceptant sans discuter (poussé par les pacifistes de son cabinet tels Bonnet, Marchandeau et Guy la Chambre ...) le rattachement des zones comportant plus de  50% d’Allemands et laissa presque toujours le gouvernement britannique manœuvrer à sa guise.

                       Le 29 septembre se retrouvent ainsi dans la capitale  bavaroise Hitler, Mussolini, Chamberlain, et Daladier pour une rencontre expéditive de douze heures. Dans un premier temps, Hitler attaque violemment les Tchèques, ce qui conduit Daladier à faire preuve de fermeté : s’il s’agit de démembrer la Tchécoslovaquie, il n’a plus qu’à regagner la France. Fort des garanties données par Hitler lui-même (“M. Daladier, vous me donneriez les Tchèques, je n’en voudrais pas, je ne réclame que mes frères allemands”), le texte final est accepté facilement, facilité qui surprit d’ailleurs Hitler qui dit en 1939 : “J’ai vu à Munich les chefs des gouvernements français  et britanniques ; ce sont des créatures faibles et lamentables ,incapables d’offrir une résistance quelconque.”

 

3°)MUNICH : UNE POLITIQUE QUI SE VEUT REALISTE MAIS AUSSI CONSCIENTE DE LA FUITE EN AVANT.

 

                   ÞMunich ne constitue pas cependant pour Daladier et d’autres dirigeants un soulagement aveugle, mais bel et bien un répit, conscient de sa fragilité et précarité.

 

                             Munich : l’apogée de la paix et soulagement de l’opinion.  Aux yeux d’une grande partie de l’opinion publique Daladier sauve la paix et c’est bien l’aspiration de la majorité des Français. Daladier est acclamé à son retour de Munich. La France a été en effet face à Munich très “Munichoise”. C’est à Paris qu’elle le manifeste avec le plus d’enthousiasme ( triomphe fait à Daladier par quelques 500 000 parisiens quand il revient de Munich à l’aéroport du Bourget, ce que Montherlant a su transcrire amèrement “ Sur le demi-cadavre d’une nation trahie, sur les demi-cadavres de leur honneur... des hommes par millions dansent la danse de St Guy de la Paix, L’équinoxe de Septembre ).La satisfaction de la paix sauvée domine les éditoriaux de la presse française, où certains, à l’instar de Jean Prouvost dans Paris-Soir versent dans le lyrisme : “La Paix ! La Paix ! La Paix ! Voilà le mot, qui ce matin se lisait dans tous les yeux, sortait joyeusement de toutes les lèvres. Le monde respire. Nous allons vivre encore. Le climat de satisfaction, qui s’exprime par des centaines de milliers de signatures figurant sur le livre d’or ouvert

pour l’occasion par le Petit Parisien, explique les conditions particulières du retour de Daladier en France. Accueilli à l’aéroport du Bourget avec des fleurs et des clameurs par une foule en liesse, il est salué de même que son homologue Chamberlain (The Lord of Peace ) comme le sauveur de la paix. La classe politique n’est pas en reste puisque le 4 octobre, confortant cette impression d’unanimité, 515 députés approuvent la décision gouvernementale de politique étrangère contre seulement 75 qui lui sont hostiles ( 73 communistes, le nationaliste Henri de Kérillis et le socialiste Bouhey qui refusa de plier à la discipline de vote de son groupe parlementaire ).

                  Mais la situation n’est pas derrière les apparences aussi simple. Au lendemain de Munich l’opinion se partage en deux camps, ceux qui ont applaudi à l’accord , les “Munichois” et ceux qui s’y sont opposés soit sur le moment, soit immédiatement après les “antimunichois”. Mais au delà de ces clivages ”pacifistes”et bellicistes” ( dénominations de circonstance qui ne recouvrent aucune réalité, les uns et les autres ont l’ardent désir d’éviter la guerre et ne divergent en réalité que sur les moyens d’ y parvenir. Pour les antimunichois, il faut savoir se monter ferme avec Hitler (savoir  risquer la guerre pour maintenir la paix), alors que les munichois souhaitaient l’apaiser par des concessions.

                  En fait, la majorité des Français  et nombre de dirigeants éprouvent dans la paix sauvegardée ce “lâche soulagement” dont parlait Léon Blum, archétype du malaise français au lendemain de Munich, du déchirement entre honte et soulagement, aveuglement et clairvoyance. En effet, il y a munichois et munichois. Il convient d’isoler le munichois d’occasion, ces “bellicistes” qui face à Munich reculèrent devant la guerre . Léon Blum avec ses réactions en dents de scie est un bon exemple : il prêta son talent au service de la cause tchèque tout en félicitant Chamberlain de se rendre à Berchtesgaden ; il était Munichois le 30 septembre (“pas un homme ,pas une femme en France ne peut refuser à M.Chamberlain et Daladier sa juste contribution de gratitude.La guerre écartée, le fléau s‘écarte. On peut reprendre son travail et retrouver son sommeil. On peut jouir de la beauté d’un soleil d’automne”) tout en se ressaisissant le lendemain. Lui-même a fort bien disséqué ses sentiments contradictoires dans l’article publié dans Le Populaire : “la guerre est probablement écartée. Mais dans des conditions telles que moi qui n’ai cessé de lutter pour la paix(...) je n’en puis plus éprouver de joie et je me sens partagé entre un lâche soulagement et la honte.”

                       Leur impuissance à maîtriser le cours des évènements les rapproche dans une certaine mesure des Munichois”d’attente” ; ceux pour qui Munich devait être un sursis permettant d’exploiter les intérêts français au mieux. C’était là semble t’il l’opinion profonde de Daladier. En grattant, apparaît l’Ancien Combattant, celui qui avait fait toute la première guerre mondiale en première ligne et qui le 9 décembre s’octroyait le satisfecit de s’être refusé “sous prétexte de fermeté à jeter les Français dans la guerre, à faire sacrifier encore 1 à 2 millions de paysans français”. Mais il n’est pas revenu très fier de Munich et la formule que lui prête Gamelin : “ Ce n’est pas brillant, mais j’ai fait ce que j’ai pu” le souligne assez bien.

                          Il n’y a pas chez Daladier d’aveuglement face à Munich qui n’est qu’un répit qui devait permettre en contournant plutôt qu’en affrontant de gagner du temps, de parfaire le réarmement et de préparer une guerre inévitable. C’est ce qu’allait plaider inlassablement Daladier après guerre. En septembre il a signé les accords de Munich parce que comme responsable de la Défense nationale il considère  que la France n’est  pas prête pour un conflit dans l’immédiat ; l’état des ses armements ne lui permet pas d’envisager une telle issue avant 1941. Mais il revient d’Allemagne convaincu qu’il n’a obtenu q’un sursis et qu’il faut se résoudre à se préparer pour un affrontement.

                            

                   

                         Trois semaines après Munich une directive secrète d’Hitler déclarait vouloir “ briser toute résistance tchèque en Bohême et en Moravie” ; le pari des partisans de l’appeasement était d’ores et déjà perdu . Cependant , pour l’heure  au lendemain de la conférence de Munich, les Français étaient soulagés de n’être point en guerre et en ce sens Munich est bien un aboutissement  : il clôt l’après-guerre et couronne le pacifisme de la “der des der”.

                           Mais Munich n’est pour la France qu’un sursis, et en ce sens, le malaise  perceptible dès les lendemains de Munich, de certains hommes politiques, tels Daladier,  Blum... partagés”entre la honte et le soulagement”, l’aveuglement et la terrible prise de conscience de la montée des périls , suggère déjà que Munich est une fuite en avant. Six mois à peine après Munich, Français et Britanniques devaient en effet se rendre à l’évidence : Hitler qui “ n’était décidément pas un gentleman” selon le mot de Chamberlain, déchirait le chiffon de papier de Munich et jouait avec la poudre, rendant le compromis munichois caduque et la guerre imminente.

 

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