Céline Meyer                                                                          7 décembre 2000

 

 

 

LA GRANDE-BRETAGNE DANS L’AFFAIRE DE SUEZ

 

 

 

 

 

Le 26 juillet 1956 à Alexandrie, devant une foule survoltée, Nasser annonce aux Egyptiens qu’il a décidé de nationaliser le canal de Suez. A la différence des Etats-Unis qui ne pensent pas que Suez vaille une guerre, Eden est convaincu dès le départ que Nasser constitue un véritable péril pour l’Angleterre. Cette affaire de Suez est donc très tôt considérée comme une crise très grave pour les Anglais. Quels sont les enjeux que la Grande-Bretagne est déterminée à protéger dans la crise de Suez ?         Quels sont les moyens que l’Angleterre va mettre en œuvre pour les préserver ? Les intérêts de la Grande-Bretagne en Egypte justifient-ils le recours à la force ?       Si dans un premier temps, selon les propres mots de Eden, l’affaire de Suez apparaît comme une question de vie ou de mort, l’attitude du Royaume-Uni dans la crise de Suez va pourtant évoluer vers une capitulation peu glorieuse.

 

 

 

 

I.                Une affaire de vie ou de mort

 

1)  Les intérêts économiques

a)      La violation des traités

b)     La route du pétrole

c)      Les bases militaires

 

2)     Les enjeux politiques

a)       Arrêter l’expansion égyptienne

b)  Un Munich du Moyen-Orient

 

 

 

 

 

II.          L’évolution Britannique

 

1)      De la politique de la force

a)       Solution pacifique et politique de fermeté

ü        Conférence de Londres : contrôle du canal par un organisme international

ü        Le club des usagers du canal

ü        Le recours aux Nations Unies

b)       L’emploi de la force

ü        La conférence de Sèvres

ü        Le prétexte israélien

ü        L’opération Mousquetaire

 

2)  A la négociation forcée

a)      Sous les pressions…

ü        L’avertissement de l’ONU : création d’une police internationale

ü        Les pressions internes : les ministres, le Parti Travailliste le Commonwealth

ü        L’ultimatum de Moscou : les menaces de Balgounine

ü        La pression de Washington : effondrement de la livre Sterling

b)    Eden cède

 

 

 

 

 

        A Noël 1956, il n’y a plus un soldat britannique en Egypte et Nasser a su transformer sa défaite en victoire. Plus personne désormais ne conteste le droit de l’Egypte à exploiter elle-même le canal. Le statut de Nasser comme leader du monde arabe se trouve considérablement renforcé. Dans l’affaire de Suez, l’Angleterre a donc tout perdu. Des années après, la question se pose encore : fallait-il entreprendre cette expédition à laquelle étaient opposés les Etats-Unis ? Une chose est certaine : l’expédition de Suez met un terme à son influence au Moyen-Orient. Au début de l’année 1957, la Grande-Bretagne a perdu son statut de grande puissance et mesure l’étendue de sa dépendance aux Etats-Unis.

 

 

 

 

 

 

 

 

RELATIONS EGYPTE-ANGLETERRE

 

 

 

1869

Inauguration du canal de Suez construit par une société franco (52%) - égyptienne (44%). Terrains concédés pour 99 ans (1968 : retour à l’Egypte).

1875

L’Egypte a besoin d’argent : elle vend ses actions qui sont rachetées par l’Angleterre.

1882

L’Egypte devient protectorat britannique.

1888

Convention : principe de libre passage.

1922

Fin du protectorat.

1936

Traité anglo-égyptien : les Anglais peuvent occuper le Canal de Suez pendant 20 ans.

1949

Redevance à l’Egypte fixée à 7% des bénéfices.

 

 

Avril 1954

Nasser au pouvoir.

19/10/1954

Traité Egypte-G-B: évacuation des troupes anglaises contrôlant le canal dans les 20 mois.

18/06/1956

Evacuation du canal par les troupes anglaises.

20/07/56

GB, USA et Banque mondiale refusent de financer le barrage d’Assouan.

26/07/56

Nasser nationalise le Canal de Suez.

Sir Anthony Eden, 1er ministre, déclare aux Communes  qu’il n’acceptera jamais le contrôle d’une seule puissance sur le canal (« VOL »).

29/07/56

Rencontre d’Eden avec l’adjoint de Dulles (secrétaire d’état américain aux Affaires Etrangères) à Londres. Les Américains sont d’accord pour chasser Nasser. «  Nous ne vous demandons rien, mais nous espérons que vous surveillerez l’Ours (l’URSS) » (Eden).

 Garantie non donnée par les USA (très fluctuants : encouragement tacite et condamnation officielle)

2/08/56

A Londres, GB, France et USA invitent les 24 principaux usagers du Canal à une conférence sur Suez (Egypte et Grèce refusent).

23/08/56

Conférence sur proposition des USA ( Forster Dulles) : contrôle et gestion du Canal par un organisme international.

9/09/56

Nasser refuse ce projet.

12/09/56

Les Anglais annoncent la création d’une Association des usagers du Canal, non reconnue par Nasser.

22/10/56

Réunion secrète à Sèvres (près de Paris). Guy Mollet (1er ministre français) et Ben Gourion (1er ministre israélien) : Israël attaquera le 29.

 La France et la GB prendront prétexte de la sécurité du Canal pour adresser un ultimatum aux belligérants : retraits de leurs troupes sous peine d’ occupation (les Américains ne sont pas dans le secret).

23/10/56

Insurrection à Budapest.

29/10/56

Attaque israélienne.

30/10/56

Ultimatum franco-britannique (malgré l’opposition travailliste en Angleterre) (Eden est Conservateur).

31/10/56

Ultimatum refusé par l’Egypte : intervention franco-britannique.

1/1156

Troupes russes en Hongrie.

2/11/56

L’ONU demande le cessez-le-feu immédiat.

1-4/11/56

Nombreuses pressions (USA, Travaillistes, Canada, Inde et même quelques ministres): Eden est sur le point de renoncer.

4/11/56

 

L’ONU annonce la création d’une police internationale.

5/11/56

L’URSS, que la France et l’Angleterre croient trop occupée en Hongrie  met en demeure la France, la GB et Israël de se retirer, parle même en termes vagues de l’emploi de fusées stratégiques.

5 /11/56

Guy Mollet croit à du «  bluff »,  Eden est  moins sûr.

6/11/56

Eisenhower (surnom :Ike), président des USA, téléphone à Eden pour qu’il arrête les opérations ou il laissera la livre sterling, attaquée depuis quelques jours, s’effondrer.

 

Eden cède aussitôt sans prendre l’avis de la France : La France suit et les opérations sont arrêtées.

12/11/56

L’Egypte accepte la force internationale.

24/11/56

L’ONU exige le retrait des troupes franco-britanniques.

3/12/56

La France et la GB se retirent de Port-Saïd, entrée du Canal côté Méditerranée.

 

La GB a mesuré l’étendue de sa dépendance vis à vis des USA, constante politique jusqu’à nos jours.

 

 

 

 

 

v     Document 1

 

 

“Pour la Grande-Bretagne, le Canal a toujours été la principale artère nous reliant aux pays du Commonwealth, celle qui nous apporte les approvisionnements dont nous avons besoin, eux et nous. Pour beaucoup d’autres nations du monde entier,  le Canal est devenu la voie de passage d’un commerce toujours de plus en plus important.

Le commerce mondial est tributaire du Canal (…). Ce que Nasser vient de faire, c’est de s’en emparer pour ses fins particulières. Personne ne doit être surpris que cela crée une situation très grave. Tout, dans le monde d’aujourd’hui tend à s’opposer aux initiatives égoïstes prises pour des fins purement nationales. Jusqu’à présent le Canal a été international. Il est garanti par un accord international signé par de nombreux pays en 1888. Il a toujours été administré avec beaucoup d’efficacité dans l’intérêt de la navigation mondiale. Il a été au service de tous les pays. Il passe par l’Egypte, c’est exact, mais il n’a pas une importance vitale pour l’Egypte, comme il en une pour beaucoup d’autres pays de toutes les parties du monde.

Par le canal, passe aujourd’hui près de la moitié du pétrole sans lequel l’industrie de ce pays-ci, celle de l’Europe occidentale, de la Scandinavie et de biens d’autres pays ne pourraient continuer à fonctionner. C’est une question de vie ou de mort pour nous tous(…).

Il [Nasser] a montré qu’il n’est pas un homme auquel on puisse se fier pour l’observation d’un accord. Et maintenant, il vient de violer toutes les promesses faites par son pays à la Compagnie du Canal de Suez et il est même revenu sur ses propres déclarations (…). Nous savons tous que c’est ainsi que se conduisent les gouvernements fascistes et nous ne nous rappelons que trop bien ce qu’il peut en coûter de céder au fascisme (…).

Mais il y a quelque chose d’encore plus important que cela en jeu. Si l’initiative du colonel Nasser était couronnée de succès, chacun d’entre nous serait à la merci d’un seul individu pour ce qui concerne les approvisionnements dont nous vivons.

 

 

Discours radiodiffusé de Sir Anthony Eden, Premier Ministre de Grande-Bretagne, sur la question de Suez, 8 août 1956.

 

 

 

 

 

v     Document 2

 

This morning I have reviewed the whole position with my Cabinet colleagues and Chiefs of Staff. We are all agreed that we can not afford to allow Nasser to seize control of the Canal in this way, in defiance of international agreements. If we take a firm stand over this now, we shall have the support of all the maritime powers. If we do not, our influence and yours throughout the Middle East, we are all convinced, be finally destroyed.

 

 

            Excerpt from the private Correspondence of Eden and Eisenhower during the Suez Crisis. Eden to Eisenhower, 27 July 1956.

 

 

 

 

v     Document 3

 


 

 


Caricature soviétique parue dans Krokodil en 1956

                  « Triomphe du Sphinx égyptien face au coq français et au lion britannique »

 

Bibliographie

 

D. CARLTON, Britain & the Suez Crisis, Blackwell, 1988, 174 p.

M. FERRO, Suez, Naissance d’un tiers Monde, éditions complexes, 1987, 153 p.

A. FONTAINE, Histoire de la guerre froide, De la Corée à la crise des alliances 1950-1963, Seuil. Point Histoire, 1967

S. LUCAS, Britain and Suez, The Lion’s last roar, Manchester University Press, 1996, 139 p.

C. PINEAU, 1956, Suez, Editions Robert Laffont, 1976, 232 p.

 

Revue Histoire n° 38, 1981

Dossier de presse sur l’affaire de Suez

 

Sites Internet

 

http://history.acusd.edu/gen/text/suez.html

http://www.library.cornell.edu/collder/mideast/suez.htm

http://www.encyclpopedia.com/articles/12444.html